DOSSIER DE PRESSE

Honni soit qui mal y pense

par Martin Pouliot
2014-11-25

La polémique absurde entourant la publicité de l'humoriste Sugar Sammy, écrite en anglais, dans laquelle il souhaite « avoir une plainte de l'Office de la Langue française » pour noël nous le démontre bien. Elle révèle qu'au Québec, nous n'éprouvons aucune gêne à nous enliser dans une autre fausse crise, devant un autre non-enjeu. Encore une fois, la sphère publique est soumise au caquetage des irascibles intégristes fleurs-de-lisés, des épouvantails de la langue française.

Un proverbe arabe dit : « Ne parle que si tu es certain que ce que tu as à dire est plus beau que le silence ». C'est beaucoup trop espérer de la SSJB (Société St-Jean Baptiste) qui, comme une truite écervelée, mord à l'hameçon du coloré humoriste à pleine bouche.

Dans un article publié aujourd'hui, la SSJB vilipende Sugar Sammy en affirmant qu'il « crache au visage des francophones » et qu'il « diabolise » les efforts consentis afin de protéger la langue française.

Leur président, Maxime Laporte, le nouvel ayatollah de la langue française au Québec, n'arrête pas là. Il pousse l'idiotie et l'ignorance jusqu'à dire que l'humoriste « exploite systématiquement un discours de mépris à l'égard des Québécois », enfourchant du coup son destrier linguistique, fourbissant ses armes pour sa prochaine croisade. Il n'en fera qu'une seule bouchée de ce salopard d'humoriste. Sugar Sammy peut se le tenir pour dit ! Pffft ! Comment perdre le peu de crédibilité que possédait encore la SSJB…

Perplexe

Avons-nous perdu tout sens de l'humour au Québec ? Toute perspective ?

Je ne comprends rien. Je m'en confesse humblement.

Qui sont ces crétins qui ne comprennent pas qu'il s'agit d'une blague ? D'un exercice marketing qui n'a RIEN à VOIR avec une atteinte à la langue ou à l'intégrité des francophones ? Quels sont ces tarés qui s'offusquent contre cette manœuvre purement ironique ? Comme l'aurait dit Achille Talon : « Cette cuistrerie ne passera pas ! »

J'ai toujours été un grand défenseur de la langue française. Lorsque j'exerçais le métier d'animateur radio, j'ai toujours fait un effort pour utiliser une langue relevée (au grand désespoir de mes patrons… mais ça, on pourrait en parler longuement) par amour pour cet important héritage culturel. Alors pourquoi ne suis-je aucunement outré par cette publicité semi-criarde, semi-ludique ?

Peut-être parce que j'ai vu Sugar Sammy en spectacle et que je l'ai trouvé drôle, intelligent, charmant, baveux à souhait, irrévérencieux envers les immigrants comme les Québécois. Peut-être parce que j'ai compris qu'il utilise sa propre diversité, sa propre expérience comme matière première et que, en spectacle, il s'efforce de faire goûter celle-ci à son public à l'aide des moyens qu'il maîtrise. Certains humoristes utilisent l'absurdité, certains les jeux de mots. D'autres encore, choisissent la vulgarité. Sugar Sammy fait ses choux gras des « purs et durs », des « nationaleux », des « indépendantistes ». Et alors ? Les Zapartistes en faisaient tout autant avec les fédéralistes… et personne ne les dénonçait à pleine page dans les journaux.

Les Québécois en ont ras le pompon de la fumisterie, de la « bullshit ». Spécialement celle entourant la question « nationale » et celle entourant la langue. Non pas parce qu'ils prennent leur identité culturelle et linguistique à la légère mais bien davantage parce que, à force d'entendre crier au loup de manière chronique et pour de falotes raisons, une proportion de plus en plus significative de la population, engourdie à force de les frapper vainement au cœur à grands coups de madrier patriotique, se désintéresse maintenant de ces vitales questions.

Il y a là une leçon importante pour les défenseurs de la langue : L'inutile corrompt irrémédiablement l'important. Arrêtez de brasser de la « merde » à tort et à travers. Parce que, en inondant l'espace public de faux débats, de creuses controverses, on finit par perdre de vue les vrais enjeux, ceux qui méritent vraiment l'attention et la mobilisation des Québécois. à sentimentaliser à outrance les Québécois, on a fini par les essouffler, comme en témoigne l'adhésion anémique à l'option souverainiste. à faire de n'importe quelle galéjade une crise nationale, l'intérêt d'une vaste majorité de Québécois finira par fondre plus vite que la sorcière du « Magicien d'Oz ».

Le grand gagnant dans tout cela ? Sugar Sammy. Il l'a eu, son cadeau. Pas la plainte à l'OQLF. Non… mais, comme un gamin muni d'une fronde et visant un nid de guêpes, il se tape les genoux en se délectant devant l'essaim furibond virevoltant frénétiquement, cherchant vainement la cause de son émoi.