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Deux hommes en or : En déambulation avec Simon et Sugar
Les deux gars sont au comptoir d'un café. Ils ont reçu leurs gobelets. La montée de lait commence.
Simon reproche une bagatelle à Sugar — pas le sucre, son ami humoriste en belle chair et en os. La réplique claque. La chicane éclair dégénère vers les immigrants, le Québec, le Canada, la langue. Tout y passe, très vite.
Sugar dit à Simon qu'il ne parle pas français mais un charabia que les vrais de vrais Français ne comprennent pas. La preuve : ils doivent sous-titrer les films québécois. Simon crie à Sugar de s'en aller ailleurs avec sa gang d'importés pour exploiter le BS, ou quelque chose du genre.
Un puis l'autre quittent le café sous les regards médusés du commis, des clients. Ces gars-là se retrouvent finalement dans une ruelle et rigolent de leur truc infaillible pour ne pas payer le latte…
La scène concentre tout le charme et l'audace qui font la force de la nouvelle série Ces gars-là. La production originale débute lundi soir à 20 h sur VTélé. Le canevas simplissime propose de suivre le quotidien de deux jeunes trentenaires Montréalais.
Il y a donc le réalisateur Simon Olivier Fecteau, célèbre pour ses capsules Web En audition avec Simon. Il y a aussi l'humoriste Sugar Sammy.
Le premier, très « franco-Québec-communau-centro-gauche », évidemment résidant du Plateau, vient de se faire larguer par sa blonde (Mélissa Désormaux-Poulin). Ça le laisse tristounet, ce qui complique les nouvelles rencontres.
Le second, « centre-droit, anglophone, libéral de naissance », d'origine indienne, habite encore chez ses parents autour de Côte-des-Neiges. L'aduslescent, le Tanguy pendjabi, rêve de rencontrer la flamme qui le fera déménager. Il multiplie les conquêtes et les ruptures. Pour justifier sa rupture avec une déesse souverainiste qui pousse le zèle jusqu'à avoir une affiche de Jacques Parizeau dans les toilettes, Sugar Sammy lui explique : « Tu veux que le Québec soit indépendant. Moi, je ne veux pas être pauvre… »
Quiproquos sociopolitiques
C'est lui qui a eu l'idée de départ. « C'est l'histoire de deux archétypes opposés : un gars plus macho, sans filtre, et un autre plus posé et poli, explique l'humoriste effronté au look de star. La dynamique ouvre la porte à beaucoup de gags. »
La série coécrite par les deux comédiens, avec l'auteure India Desjardins, semble jouer de l'autofiction, comme le demande un des codes prégnants de la comédie télévisuelle contemporaine. La production précédente de Fecteau s'y conformait, les comédiens reçus en auditions jouant leurs propres rôles en faisant semblant de passer un vrai test. Cette fois, on ne sait pas trop ce que font ces deux hurluberlus dans la vie. Sugar Sammy n'est pas présenté comme humoriste et son ami ne tourne rien. Le bottin de l'Union des artistes ne défile pas à l'écran.
« J'ai vu Sugar Sammy en show en 2010, explique Simon Olivier Fecteau. J'ai adoré son numéro sur Pauline Marois. On est devenu amis. J'avais des projets de films. Sam a eu un flash, une idée. Il ne voulait pas nécessairement la réaliser avec moi. Après quelques mois, j'ai proposé d'embarquer avec lui. On est partis comme ça et on a intégré nos vies. Dans En audition avec Simon, je m'appelais Simon et je jouais un trou de cul. Là, je m'appelle encore Simon, mais je suis devenu un bon gars. »
Il décortique certaines anecdotes de la série. Oui, une fois, alors que lui et Sam venaient de rencontrer des filles dans un bar, son ex lui a téléphoné pour une urgence : il y avait une araignée dans son salon et elle avait besoin d'aide pour s'en débarrasser. Oui, Simon a déjà fréquenté une fille qui puait épouvantablement de la bouche. Oui, Simon a eu un coiffeur qui semblait jouer au gai pour attirer une clientèle plus raffinée et plus payante.
Les quiproquos sociopolitiques suscitent le plus de situations hilarantes. Ces deux gars-là discutent souvent de questions, comment dire, constitutionnelles, avec une douce ironie et une capacité d'autodérision qui fait vraiment du bien. En plus, souvent, les langues officielles s'entrechoquent, comme dans la métropole.
« Nous, on s'exprime et on se comporte comme ça, dit M. Sammy, qui s'est fait connaître avec le spectacle bilingue You're gonna rire. C'est aussi la réalité de beaucoup de Montréalais. Les langues mijotent, les points de vue se rencontrent, les univers s'entrechoquent. Mes amitiés sont comme ça. J'ai des amis qui parlent trois, quatre langues. Moi, dans la même journée, je passe de l'anglais au français au pendjabi et à l'hindi. »
Simon Olivier Fecteau enchaîne en racontant qu'au fond le but n'est pas tant d'exposer MONTRÉAL que de faire une bonne série. « On veut retrouver un certain réalisme dans les situations et les personnages, dit-il. J'aime beaucoup la télé, mais souvent, dans les séries, il manque des dialogues réalistes. Notre premier objectif, c'était donc de créer un produit qui ait l'air naturel. Notre deuxième objectif, c'était de raconter des histoires universelles. Géographiquement, c'est à Montréal. En fait, ça pourrait se passer dans n'importe quelle ville. Ce n'est donc pas une histoire Montréalaise. Avant tout, c'est une histoire d'amitié. »
Photo : Bertrand Calmeau
Simon Olivier Fecteau et Sugar Sammy jouent dans Ces gars-là des archétypes opposés : le gars poli et posé et le gars plus macho, sans filtre.