DOSSIER DE PRESSE

Sugar Sammy á  l'Olympia - À pieds joints sur la complexité québécoise

par Fabien Deglise
2012-03-01

«You're gonna rire»: Show franglais. Franchement, avec une accroche métissant deux solitudes et un descriptif référendaire et tellement provocateur, «50,4 % en anglais. 49,6 % en français», l'humoriste Sugar Sammy courait après la controverse depuis des mois en titillant le chaland avec son spectacle totalement bilingue, le premier livré à Montréal et en Amérique du Nord. Rien de moins.

Opportuniste et racoleur, pour les uns. Méprisant et menaçant le fait français au Québec, pour d'autres, l'objet scénique, à peine dévoilé, a été décrié, conspué, dénoncé... Sans doute, à tort, peut-on dire au terme de la première médiatique. C'était hier soir sur les planches de l'Olympia, dans la ville natale du comique quadrilingue (français, anglais, hindi et punjabi). 

Bilingue? Le spectacle est un peu ça, oui, mais il est surtout «Montréalais» et puise dans la complexité et la diversité identitaire de cette ville pour mieux faire rire de ce «nous» protéiforme, en n'épargnant personne, et surtout pas les esprits bornés, que Sugar Sammy malmène avec cette incroyable aisance, qu'il soit nationaliste ordinaire sous éduqué à l'UQAM — c'est lui qui le dit! —, qu'Américain au cou rouge, Latino, Libanais... Alouette.

On comprend, par les temps qui courent, l'humoriste avance sur un terrain miné, mais il évite constamment la déflagration en raison de son équipement de protection : des origines Montréalaises dans une famille d'immigrants de base, une éducation en français dans un école publique du quartier Côte-des-Neiges, un charme fou, une ouverture sur le monde induite par ses amitiés, ses tours du monde pour livrer ses spectacles et surtout par cette connaissance fine de l'environnement multiethnique qui a forgé cet enfant de la loi 101, et fier de l'être.

Dans les zones de tension, Sugar Sammy s'amuse à trouver les paradoxes qui amènent certains de ses contemporains à se porter dangereusement à la défense du français, tout en le parlant très mal. Il s'amuse aussi des goûts cinématographiques de ses amis haîtiens, accros aux productions bas de gamme, des femmes musulmanes qui ont sans doute défié l'autorité d'un père pour être dans la salle, ou encore du NPD qui, après avoir fait campagne avec le slogan «travaillons ensemble», se demande désormais «qu'est-ce qu'on va faire maintenant?».

Baveux et taquin, l'ensemble est à l'image de ce personnage capable de rire de l'hypocrisie du racisme ordinaire dont il est parfois victime, et d'aller au-delà de cette émotion qui cimente les grands enjeux de sa société depuis la révolution tranquille pour en extraire la charge comique, le loufoque et les aberrations. Il le fait aussi sans amertume, sans méchanceté, ni prosélytisme et surtout pour un public averti, le sien, diversifié, bilingue, métissé et Montréalais qui arrive facilement à se reconnaître dans cet humour à l'identité complexe et assumée, qui forcément gagnerait, tout comme l'artiste qui le porte, à aller au-delà de la ville qui lui à permis d'émerger.