DOSSIER DE PRESSE

Vu, lu et entendu... Sugar Sammy á  L'Européen

par Gilbert Jouin
2017-03-11

Ne vous fiez surtout pas au prénom qu'il se donne, Sugar... Hormis le fait qu'il puisse être fondant pour la gent féminine, il est tout le contraire d'un morceau de sucre. Sa langue est une véritable gousse de piment. Et du plus fort ! Ça pique sacrément… Quant à Sammy, ça lui va comme un gant (mais pas de velours) car « Sammytraille » à tout-va.

La salle de l'Européen est pleine à craquer ; on distingue ça et là quelques délicieuses pointes d'accent québécois. Normal quand on sait que Sugar Sammy est une méga star dans la Belle Province. Pourtant, lorsqu'il surgit sur la scène, c'est d'abord de ses origines indiennes qu'il parle. Il avance à visage découvert. Impossible de le prendre en flagrant Delhi de cachotterie. Au contraire, le fait d'afficher tout de go son métissage lui permet de jouer à fond avec le multiculturalisme. Effectivement, il se moque de tout le monde. Aucune ethnie n'échappe à ses tirs en rafale.

Décidé à conquérir le public français, il ironise sur notre culture, sur nos travers, notre politique, notre médiocre sens de l'hospitalité, notre propension à la flemmardise, notre racisme… En moins d'un quart d'heure, il se met le public dans la poche. Le public, pour lui, c'est un partenaire de jeu. Il apostrophe les spectateurs, les interroge, les met sur le gril. Son regard laser détecte la plus vulnérable des proies. Malheur à celui ou celle qui tente de lui résister ou essaie de se la péter. C'est perdu d'avance. Sugar Sammy a le beau rôle. Il est tellement rompu à l'exercice. Personne ne peut lutter face à un tel tchatcheur.

Sugar Sammy, c'est l'archétype du stand-up à l'américaine. Nos stand-uppers à nous ne possèdent pas cette virtuosité, ce jusqu'au-boutisme sans limites, cette absence totale de tabous.

Parfaitement trilingue (français, anglais, indi), il jongle avec les langues. Avec lui, le mot « pussy » est tellement mignon ! Bien moins vulgaire en tout cas que son équivalent français. C'est très habile de sa part. Bien sûr, son discours est émaillé de nombreux « fuck » ou « fucking »Si une bonne moitié de son spectacle est constitué d'échanges trépidants avec le public, il s'autorise quelques digressions savoureuses sur des thèmes aussi passionnants que la religion, la vie parisienne, la télévision et, surtout – et c'est pour moi là où il se montre le meilleur – sur les relations hommes-femmes (dont celles, entre autres, avec les filles musulmanes). Il possède une misogynie malicieuse car insidieuse. On ne le voit pas venir et, soudain, il balance une horreur ; horreur dont il est le premier à en rire. Si bien que tout le monde enchaîne. Il bénéficie d'un  tel charisme qu'on lui pardonne tout.

Sugar Sammy, c'est du haut débit. Il est d'une vivacité d'esprit étourdissante. Il possède un sens de la répartie imparable et il est avec l'impro comme un piranha dans l'eau.
Le problème, avec le stand-up, c'est que quand le spectacle est fini, il ne nous reste pas grand-chose. On sait qu'on a beaucoup ri, qu'on s'est amusé ensemble, qu'on assisté à un grand moment d'interactivité mais, contrairement aux one man show à sketchs où il nous reste une galerie de personnages en mémoire, ici il ne nous reste en tête qu'une écume joyeuse. C'est de l'instantané. C'est une forme d'humour hyper moderne, consommable de suite. En fait, c'est générationnel. Plus on est jeune, mieux on se sent à l'aise avec ce type de prestation.

Pendant une heure et demie, j'ai vu une salle entière se tordre et hurler de rire. Même si, personnellement, je reconnais que ce genre de spectacle n'est pas trop ma came (question d'âge et de culture humoristique, mais j'ai néanmoins retenu quelques excellentes saillies et de très bonnes vannes), je suis convaincu que Sugar Sammy va faire un carton à l'Européen et un tabac dans les médias.